Accès aux soins et COVID 19 , la filière DéfiScience se mobilise

COMMUNIQUE de la Filière Nationale de Santé DéfiScience
Maladies rares du neurodéveloppement

Accès aux soins des personnes avec handicap intellectuel, handicap psychique et autisme : Propositions pour une équité de prise en charge médicale.


La crise sanitaire majeure que nous vivons met en tension extrême l’offre de soins hospitaliers (accès aux urgences, hospitalisations médicochirurgicales, soins critiques et réanimation), en particulier pour les personnes en situation de handicap qui subissent déjà, en dehors de toute crise sanitaire, une inégalité d’accès aux soins (1).

Les professionnels et associations partenaires de la filière de santé DéfiScience, reprenant les principes éthiques rappelés par le CCNE (2), réaffirment avec force le principe de droit commun, rappelé ce jour par madame Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées (3) : le handicap ne peut être en soi, en aucun cas et dans aucun contexte, un critère d’exclusion aux soins. Ce postulat doit prévaloir en préambule de toute prise en charge de personnes ayant un handicap intellectuel, psychique ou un autisme.

Du fait du confinement à domicile ou dans les établissements médico-sociaux, certaines personnes handicapées se retrouvent médicalement en danger et n’ont pas recours aux soins suffisamment tôt. Cet accès aux soins trop tardif peut concerner une forme grave de COVID-19 ou la décompensation de pathologies associées (cardiorespiratoires, épilepsie, diabète, etc).

Dans ce contexte, plusieurs points importants doivent être rappelés pour faciliter l’intervention et la prise de décision des médecins (médecin traitant, SOS médecin, régulateur SAMU, urgentiste, etc…) :

1. Solliciter l’avis du médecin traitant ou du spécialiste, ou appeler le 15, en cas de problème médical urgent, quel que soit le motif, même sans lien avec le COVID-19. En cas de suspicion de COVID-19, être attentif aux personnes à risque de formes graves, et aux signes de gravité (essoufflement, douleurs thoraciques, refus d’alimentation, fatigue extrême, trouble de conscience), en particulier entre J7 et J10 de l’infection.

2. Renseigner ou mettre à jour le dossier médical de liaison, pour permettre aux équipes d’urgence de prendre les décisions les plus adaptées. A titre d’exemple, la fiche de liaison conçue par un collectif associatif et l’AP-PH (4) peut être utile, si le patient n’a pas déjà un dossier.

3. En cas d’hospitalisation, permettre la présence d’un aidant (5), à l’instar des pratiques dérogatoires appliquées en pédiatrie. Le rôle de l’aidant et ses modalités d’intervention sont précisées dans la recommandation HAS 2017 sur l’accès des personnes handicapées aux établissements de santé6.

4. Malgré l’extrême tension des services de soins aigus, les décisions de soins critiques et de réanimation doivent être discutées de manière collégiale, après consultation, dans la mesure du possible, de la famille ou de la personne de confiance.

Ensemble et solidaires, mobilisons-nous tous, plus que jamais, pour préserver l’accès aux soins des personnes en situation de handicap.

Au nom du comité stratégique de la Filière DéfiScience,

Pr Vincent des Portes, animateur national Luc Gateau, Président de l’Unapei 7 Olivier de Compiègne, Animateur-délégué du Collectif DI 8
Le 2 avril 2020


Éléments de contexte :

– De nombreux parents d’adultes déficients intellectuels ne cachent pas leur crainte que leur proche n’ait pas droit à tous les soins utiles qui seraient mis en œuvre pour un autre citoyen. Nombreux n’osent pas appeler le 15 ou leur médecin de peur de déranger des équipes médicales sur-sollicitées, et prennent ainsi des risques médicaux pour leur enfant.

– 30 mars 2020 : Le collectif handicap 9 lance un cri d’alerte au gouvernement concernant les personnes en situation de handicap, pointant « une très forte inquiétude à l’idée d’un tri des patients à l’arrivée aux urgences et parfois en amont même par les services du 15 pour les personnes accueillies en établissement ».

– Des communautés psychiatriques (usagers, médecins, directeurs d’hôpitaux) saisissent les comités d’éthique hospitaliers concernant les prise en charge en soins critiques des personnes souffrant de troubles et/ou de handicap psychiques 10, craignant que « les personnes [qu’ils soignent et accompagnent] ne soient victimes dans ce contexte de représentations profondément négatives et stigmatisées …/… et que cela ne pèse pour elles négativement dans la balance quand il s’agira de décider qui a accès aux soins de réanimation, si les capacités d’accueil en soins critiques venaient à être saturées ».

– le 20 mars 2020, l’ARS Ile de France a émis des « recommandations régionales COVID19 » 11, devant l’afflux de patients en défaillance vitale dépassant les ressources médicales disponibles. « Dans ce contexte d’exception, il est possible que les praticiens sur-sollicités soient amenés à faire des choix difficiles et des priorisations dans l’urgence concernant l’accès à la réanimation ». La note de l’ARS rappelle, parmi les principes d’une décision d’admission en unité de soins critiques, la prise en compte de l’état antérieur du patient, qui comporte, entre autres critères, « l’état neurocognitif du patient : fonctions cognitives normales, peu altérées ou très altérées ».

1. INSERM. Expertise Collective Déficiences intellectuelles, éditions EDP Sciences, mai 2016. http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/expertises-collectives
2. CCNE. Covid-19- Contribution du comité consultatif national d’éthique : enjeux éthiques face à une pandémie. Le CCNE réaffirme que « les principes éthiques de justice distributive, de non malfaisance des décisions, d’autonomie et de respect de la dignité de tous les patients sans oublier les plus vulnérables[…] sont des guides pour la prise en charge des patients atteints de forme grave de Covid 19, mais également de ceux nécessitant des soins de réanimation pour une pathologie non liée au Covid19. » Avis du 13 mars 2020.
3. Message envoyé le 2 avril 2020 par madame Sophie Cluzel aux membres du Conseil national TSA/TND : « … Je sais que d’autres s’inquiètent d’un risque de non prise en charge sanitaire pour les personnes handicapées qui seraient infectés par ce virus. Je tiens à vous dire, avec force, qu’aucune consigne en ce sens n’a été produite et transmise aux équipes médicales ; le handicap ne peut être en soi, en aucun cas et dans aucun contexte, un critère d’exclusion aux soins. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé et moi-même sommes mobilisés avec nos services pour produire des consignes en ce sens et les schémas d’organisation sanitaire pour les institutions médico-sociales ».
4. AP-HP. Fiches de liaison pour l’accueil de l’enfant et l’adulte handicapés dépendants, réalisées en collaboration avec l’Interassociations Multihandicap Île-de-France, APETREIMC, APF/HANDAS, CESAP, FEHAP, GPF, UNAPEI. https://www.aphp.fr/fichesde-liaison-pour-enfants-et-adultes-handicapes
5. Article L. 114-1-1 du Code de l’action sociale et des familles. La reconnaissance de la place de l’aidant ou de la personne de confiance, est une des composantes du droit à la compensation des conséquences du handicap.
6. Guide HAS 2017. Accueil, accompagnement et organisation des soins en établissement de santé pour les personnes en situation de handicap. www.has-sante.fr
7. Mouvement citoyen de 900 000 personnes handicapées, familles, amis, professionnels et bénévoles, l’Unapei œuvre, depuis 60 ans, pour que les personnes, quelle que soit la singularité de leur handicap, accèdent aux mêmes droits que tous. L’Unapei s’engage pour une société solidaire, ouverte à tous et respectueuse des différences et du libre-choix des personnes handicapées. Son réseau de 550 associations membres innove sur tous les territoires et construit des solutions d’accompagnement évolutives et adaptées à chaque étape de la vie des personnes handicapées pour agir contre l’isolement et l’exclusion sociale. L’Unapei accompagne tout au long de leur vie 200 000 personnes handicapés, enfants et adultes, intellectuels et cognitifs. http://www.unapei.org/
8. Collectif DI : collectif d’associations de familles concernées par des syndromes associés à une déficience intellectuelle
9. Communiqué de presse. « Crise sanitaire COVID 19: Le collectif Handicaps lance un cri d’alerte ! » https://www.apffrancehandicap.org/actualite/covid-19-le-collectif-handicaps-lance-un-cri-alerte-27108 10. Communauté psychiatrique de territoire Rhône-Métropole. Courrier du 25 mars 2020 au président du comité d’éthique des HCL. «Prise en charge en soins critiques des personnes souffrant de troubles et/ou de handicap psychiques présentant une forme grave de COVID 19 ». https://defiscience.fr/focus/covid-19-informations-et-ressources/
11. ARS Ile de France. COVID-19 : Décision d’admission des patients en réanimation et soins critiques – V1 – 20/03/2020. https://www.iledefrance.ars.sante.fr
12. DéfiScience : Filière nationale de santé, maladies rares du neuro-développement. https://defiscience.fr/filiere/

CONTACTS
Filière DéfiScience : ghe.defiscience@chu-lyon.fr Unapei : Elodie Audonnet, e.audonnet@unapei.org / Collectif DI : Olivier de Compiègne, olivier.decompiegne@sfr.fr

>> Télécharger le communiqué de la filière DéfiScience

 

⇒ Accéder à l’ensemble des Actualités en cliquant ici